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Lettre à mon mal-être

Ferme-la. Oui, toi, la petite bombe à fragmentations malsaines qui se terre au fond de moi.

Je crois que je te hais. Je ne déteste personne. Rien, ni personne, même les gens les plus mauvais. Ils me font pitié, ou peur, mais je n'ai pas d'autre sentiment négatif.

Sauf envers toi.

Et que toi, c'est moi.

À cause de toi, à cause de moi, tout me serre. Mon corps, mon cœur. Je suis bloquée à l'intérieur de mon esprit, et tu es l'armure que je me suis forgée sans le comprendre. Je me suis emmurée vivante. À cause de toi. Grâce à toi.

Je pourrais dire que tout est parti de ma trop grande sensibilité, de cette capacité que j'ai à ne pas voir le monde dans un ensemble mais de regarder chacun de ses détails. Je pourrais parler de la protection que l'on m'a offerte depuis toujours, dire que j'ai grandi sans être confrontée au mal, au monde, à la mort, et que je suis fragile face à eux, tel un corps sans anticorps.

Mais non. On m'a donné toutes les armes. L'amour, la protection, l'éducation, l'abondance. La paix. J'ai grandi dans une famille, dans un petit univers de paix. Ces armes, je ne les reconnaissais pas. Je ne les voyais pas comme telles. Le mot "arme" me terrifiait. Me terrifie toujours. Je ne sais pas si tu n'as pas sapé toutes les forces dont je disposais sans le savoir pour pouvoir les prendre. Je sais que je pourrai pour protéger les personnes qui sont essentielles à ma vie. Mais pour me protéger moi-même ?

Pour moi, le monde fait une rotation dans un sens, puis dans un autre. Et c'est au moment où le mouvement s'inverse que quelque chose éclate quelque part. Ces rotations, je les ai toujours ressenties. Je n'ai jamais su les expliquer. Je ne pourrai jamais, je crois.

Mais j'ai engrangé, comme une petite souris boulimique, toutes ces émotions. J'absorbais tous ces mouvements qui m'ébranlaient. Sans moyen de les évacuer, de m'en dépêtrer, de les reconnaître.

Et c'est toi qui es arrivée. Ma petite bombe. Au début simple pétard, puis cocktail molotov, maintenant bombe à fragmentations. J'ai tellement peur de ne pas arriver à te désamorcer, à faire en sorte que tu ne deviennes pas une bombe H. Tu en es si près certains jours. J'ai tellement peur de toi. Peur de moi.

Je ne sais pas ce que le monde a à m'offrir, ni même s'il peut m'offrir quelque chose. Et surtout si je suis en droit de le recevoir. Je n'arrive pas vraiment à me convaincre qu'on peut m'aimer sans restrictions. Que je peux être essentielle moi aussi. Que je fais partie de cet ensemble.

À cause de toi, je me sens inutile. Se sentir et être sont des concepts complètement différents. Je me sens peut-être inutile, mais le suis-je vraiment ? J'ai envie d'être un peu égoïste et espérer que non.

Je ne peux plus te nier. 

T'éviter, ne jamais te regarder en face, cela t'a permis de grandir. Aujourd'hui, il y a eu une perte de trop. Tu as grandi si vite, si fort, que je ne peux plus te contenir. J'ai pris conscience que j'étais faible. Que pour devenir forte il me fallait ouvrir les yeux sur ton existence. Qu'il me fallait arrêter de fuir, de me remplir pour compenser mon vide intérieur, et d'attendre. 

Je ne suis pas seule. Et je vais tenter de ne plus te haïr. Je vais tenter de t'aimer. De m'aimer. Je ne sais pas si j'y arriverai. Mais je vais essayer. Je raterai sans doute. Je réessayerai. Et je raterai peut-être mieux. Et un jour, peut-être, je réussirai.
(Merci S. Beckett pour cette phrase.)

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